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Antxoka space
16 août 2012

U l'Islandais

         Une petite musique douce, mais finalement pas très agréable, me murmurait à l’oreille que j’allais bientôt rentrer chez moi. C’est fou comme parfois on s’ennuie chez soi, mais comme on a hâte d’y revenir. La routine a du bon qu’elle rassure.

Le mauvais haut parleur s’était mis à diffuser à présent une musique plus puissante, accompagnée d’images féériques issues d’un montage flatteur pour l’Islande. Bien qu’effectivement, ce pays soit extrêmement beau, si les avions qui décollent font toujours rêver, le duty free moins, et la promotion de la carte de fidélité de la compagnie aérienne encore moins, mais l’essentiel est là, je rentre chez moi.

J’aperçois par la fenêtre les flocons et l’engin qui dégivre les ailes de l’avion. Parfois, un gros nuage de produit dégivrant caresse le hublot par lequel je regarde. La passerelle est entrain de se retirer. Bref, je rentre chez moi.

Petit, mes parents m’ont amené en Grèce, j’ai adoré. Les ruines étaient pour moi des paysages magiques, chaque pierre était une vraie colonne, chaque colonne était un château, chaque statue un héros vivant. Le théâtre de Delphes, Olympie, L’acropole et les cariathyde. Cela m’a certainement forgé un goût immodéré pour l’art en général, le rêve et l’émotion. Toute ma vie non professionnelle est dirigée par l’émotion. Je suis « Emophile » si on peut dire. Ce n’est pas une histoire de sang qui coagule mal là, c’est l’histoire d’être toujours en recherche d’émotion. Jusqu’aujourd’hui j’ai toujours cru que la vie ne servait qu’à ça. Aujourd’hui je me demande s’il ne me faut pas en plus de l’émotion une certaine dose de construction, une cathédrale, un enfant, un héritage, quelque chose qui laisse une trace sur cette planète. Je sais que chacun d’entre nous laisse un héritage, un mot qui transforme l’autre, transforme le monde. Un coup de main, un mauvais acte. Chaque geste qu’on fait transforme le monde. Et quand les hommes politiques se retranchent derrière la mondialisation, derrière la loi du marché. Ils ont tord. Tout est possible puisque nous sommes le monde. Mais moi j’aimerai faire plus, parfois, on a peur d’être ambitieux. L’avion décolle à présent en direction de Londres. J’allais faire Reykjvik – Londre, Londre- Geneve en avion, Geneve - Chez moi, en taxi. J’étais parti pour un long voyage retour. En fait, mon voyage entier était un long voyage de retour car ce qui m’avait occupé l’esprit depuis le début c’était le retour. Ulysse et moi-même combat. Je me remémorais à la fois mon voyage en Grèce étant enfant, à la fois l’école où l’ont m’avait parlé d’Ulysse, puis mes cours de philo, dont la professeure était une passionnée de la Grèce. Ulysse avait mis 10 ans et bravé tant d’obstacles pour rentrer. Moi j’avais mis 2 semaines pour partir et rentrer, mais j’avais aussi bravé tant d’obstacle. Etait-ce une première étape de ma cathédrale, je ne crois pas, mais j’ai quand même décidé de vous le raconter, comme un rapport non officiel de ma mission. Non pas ma mission sur cette terre, mais ma mission plus terre à terre, pour mon travail.

Ainsi lundi après-midi mon chef entre dans mon bureau :

-      Antoine, prêt à aller en Islande ?

-      Non, pas du tout.

-      Ah bon ?

-      De quoi s’agit-il ? je ne suis même pas au courant et en plus je suis en overdose de déplacement ?

En effet, depuis des mois j’enchainais les déplacements en tout genre et les missions plus ou moins intéressantes avec des gens plus ou moins intéressants, A tel point que j’en arrivais à préférer être seul, en déplacement, à l’hôtel, au restaurant...

Mon chef poursuivit :

-      Tu es tant parti que ça toi ? (sous entendu : par rapport à Laurent et Roland)

-      Oui ! dis-je en lui ouvrant mon agenda pour lui en donner la preuve.

Je commencais à compter les jours de déplacements et puis au bout d’une minute avec mon chef dans mon dos, je me retournais et lui dit :

-      De toute façon, ce n’est pas le nombre de déplacement qui compte, ce qui compte c’est que j’en ai marre, que j’ai des raisons ou pas d’en avoir marre, ce n’est pas ça le problème, le problème c’est que j’en ai marre !

-      Oui mais là c’est une urgence, vient on va voir le grand chef apache !

-      OK

Le grand chef apache me dit de décider :

-      Voilà le mail que j’ai envoyé : il dit que j’envoie quelqu’un dès que possible, quelqu’un c’est toi, maintenant à toi de décider…

Ainsi je suis parti en ayant…le choix 

 

Sur place je retrouvais des collègues ayant succombés aux sirènes de la bière islandaise, servie dans des verres d’une taille « non homologuée » en France… Mais, pour mon poids et pour ma carrière, je devais me lever en forme et maitre de  moi-même alors qu’une réunion importante m’attendait le lendemain. Je décidais alors de m’attacher à mon lit et de mettre mes bouchons d’oreille, afin de ne pas être tenté par les nuits sans nuit de l’Islande au mois de juin.

Alors qu’une partie de mes collègues se perdaient dans les profondeurs des nuits de Reykjavik, je songeais qu’une autre épreuve m’attendait le lendemain à l’usine : la « Conf call des Dieux » !

La réunion avait commencé dans le calme et j’étais prêt autant que peux l’être un mortel dans une Conf Call des dieux… J’avais croisé M.Polyman, le chef de chantier quelques jours auparavant dans un couloir. Il était gros et cachait ses faiblesses derrière une voix d’ogre tonitruante et des petits yeux camouflés derrières de grosses cernes. Il m’avait demandé d’un air dubitatif et orgueilleux :

-      Hi Antoine! Do you think you’re experimented enough for this project?

-      Yeah, I’ve done a lot of project you know, and I am not alone, I’ve a team of experienced people with me…

-      Ok good luck répondit-il en fermant un œil tel un monstre sans nom.

Je suis rarement déstabilisé, mais là, il avait réussi son coup.

Du coup, ce matin, je savais à quoi m’attendre. Et j’avais préparé mes armes !

Dans la réunion, sans jamais me regarder il avait démonté mes arguments un à un en hurlant. Mes collègues endormis m’avaient soutenu, et j’avais sorti l’arme absolue pour lui crever les yeux ! Deux arguments irréfutables dans ce monde de brut : la gestion du risque et l’argent ! 1 point pour moi. Epreuve suivante !

Déjà 1 semaine que j’étais là, et je pensais repartir très vite, mais c’était sans compter sur M.Ospylac qui tentait de négocier auprès de mes chefs pour que je reste jusqu’au démarrage de l’équipement industriel que nous installions. Mon chef aussi était convaincu. Rester ici, ne me procurait ni joie, ni argent, ni même vraiment de reconnaissance. Peut-être simplement une étape de plus vers une reconnaissance future. Et puis, avais-je le choix, par honnêteté professionnelle, je me devais de rester. J’appelais donc mon amie pour lui annoncer la nouvelle. Heureusement pour elle et pour moi, elle ne vivait pas qu’à travers moi. Et j’espérais que les 108 prétendants n’atteindraient pas la porte de l’immeuble et que Mylène ne donnerai pas le digicode…

Puis lentement, vint le jour du retour, après trois semaines de jour ininterrompu dans un pays improbable où les légumes ne poussent pas, mais où la bière coule à flot, dans les gosiers des hommes et des femmes bien décidés à oublier l’hivers difficile qui vient de se terminer et qui va reprendre trop vite.

A l’aéroport tous les vols partent presque à la même heure le matin transformant l’aéroport en une jungle d’animaux humains, se battant pour rendre leur voiture de location, prendre leur billet, déposer leurs valises, prendre un café, ou pire accéder au salon business… Mon billet m’y autorisait et j’arrivais avec un peu de politesse et de fatalisme à accomplir ces étapes sans perdre ma raison, sans me transformer en un fauve impatient assoiffé de chips et de café au lait… beurk !

Après un long vol retour en deux étapes et deux heures de taxis ;  levé depuis 4h du matin, j’arrive enfin en bas de chez moi. Les 108 hommes agglutinés près de l’interphone attendant encore. Ouf ! Moi j’ai le badge.

Ma dernière douche remonte au matin d’avant et je me sens fatigué autant que sale en montant dans l’ascenseur.

Lorsque j’ouvre la porte, décoiffé, mal rasé et cerné, Mylène a toute la peine du monde à me reconnaitre…

Après une bonne douche et un peu de déo, je m’affale sur le canapé en mode plaintif, cherchant un peu de réconfort :

- Tu sais Mylène, ça a été long ces 2 semaines, et ce vol du retour, horrible ! Blablabla

- Et quoi ? Tu veux une médaille ?

- … Ok j’arrête! Tu m’as manqué Penelope !

 

Alors que Mylène me prenait pour un fou, j’imaginais plutôt une statue qu’une médaille ! Une statue grecque…

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Commentaires
M
Tu aimes les émotions et sais bien les transmettre,ce texte tres bien ecrit m'a ému par son realisme et sa spontanéité .
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D
Tu es une plume.
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