Chanter
Et les ciels seraient loins
Des villes alentours
Dans les reflets luisants
Des monstres du passé,
Alors chacun saurait chanter
Les comptes à rebours
Des moisissures de l’aube
A l’amour dérobé.
Mais tu m’avais juré de vivre pour toujours.
Et les ciels seraient loins
Des villes alentours
Dans les reflets luisants
Des monstres du passé,
Alors chacun saurait chanter
Les comptes à rebours
Des moisissures de l’aube
A l’amour dérobé.
Mais tu m’avais juré de vivre pour toujours.
Dans un silence feutré par un matin d’automne
De ceux qu’on n’attend pas, qui mettent fin aux beaux jours
Une brume liquide, volante et monotone
Cherche à s’enfuir en vain par d’habiles détours
Un homme marche lentement, et ses allers retours
Frissonnants et marqués du froid du point du jour
Sont une danse sacrée, une ode à la lenteur
Un souvenir doux, amer, dont j’aime la saveur
Les volutes de fumée, un sacre vaporeux.
Comme manque inhabité dans mon cœur douloureux
Pensifs et attentifs, libres et indépendants
Mon père et mon esprit se mêlent par instant
Une habitude étrange qui me marque à présent
Une clope dans une main et un café fumant
Il commençait ainsi les journées pour les vivre
À loisir, penser, apprendre et être libre
Les ombres rouges et salines
Les ombres bougent et s’alignent
Tu ne comprends pas mes mots
Mes maux et mes idéaux
Le temps m’angoisse et m’entraine
Comme une bouffée d’anxiogène
La gorge me serre et me gêne
Comme un manque…
Mes envies freinées par mon sort
Entre fatigue et efforts
Qui ? L’ambition ou la flemme
Entre bruit sourd et larsen
J’ai mal au courage et me traine
J’ai peur du mirage qui me freine
Avoir l’angoisse de la mort
Et la phobie des remords
Je mets la barre à l’orgueil
Mais n’atteins jamais son seuil
J’aimerais vivre le présent
Mais je le voudrais flamboyant
Une spirale d’étincelles
Un feu d’artifice éternel
Dans les méandres des alcôves
Celui qui parle n’est pas prudent
Les silences tristes frêles et mauves
N’ont que souvenirs comme présent
Où mes passions indescriptibles ?
Où mon monde simple comme noir ou blanc
Mes certitudes jeunes et fragiles
Volent en éclat étourdissant
L’aurore était temps suspendu
Le crépuscule odieux et lourd
Chaque journée dans l’inconnu
Est l’espoir d’un nouveau jour
Où nous croiserons nos regards
Avec des ambitions nouvelles
Où nos amours de quai de gare
Se changeront en Immortelles
Dans les méandres de l’alcôve
L’ivresse laisse sa place au temps
Le temps qu’il faut pour que le mauve
Remplace le noir, mais le blanc.
Si encore j’avais su faire du cheval…
J’avais mal aux fesses et j’étais à peine au nord de Lyon. Ma cotte de maille me grattait et je transpirais à n’en plus pouvoir. Pourquoi avais-je mis cette cotte de maille tout de suite ? J’en aurais besoin éventuellement dans plusieurs jours. Je décidais alors de faire une pause et de l’enlever. Je descendais de ma monture, sans savoir si j’arriverais à y remonter. Pourtant, Stéphanie m’avait tout expliqué, montré, remontré, mais ça n’était pas si simple ! Dans un élan d’amitié et de générosité, elle m’avait prêté Kador, son cheval. Mais elle ne rigolait pas vraiment en me voyant partir avec.
Avant de descendre du cheval, il fallait que je sorte mon épée de son étui, pour ne pas me blesser en sautant. Je la brandis fièrement en hurlant : « A mort vil malotru de François le purulent ! » oui, bon, j’étais tout seul, il fallait que je m’exerce. Ensuite je la jetais par terre un peu loin, toujours pour ne pas me blesser en descendant de mon cheval. Et Bling ! Oh, Oh, doucement Kador !
Euh, donc, comment vous expliquer ?
Une semaine avant cela, j’avais reçu le message d’une amourette d’enfance, Emeline. Enfin, une amourette dans un seul sens. Bref, j’étais un peu amoureux d’elle à l’époque; et Emeline elle… bon… Elle m’avait envoyé une missive : « J’ai urgemment besoin de ton aide car je ne sais vraiment plus à quel saint me vouer vu le cauchemar que je vis en ce moment » … « S’il te plait je ne te mets pas la pression mais c’est vraiment urgent » « François me bats ».
Elle n’avait personne pour l’aider et son amant le fameux « François boutonneux » la battait et ne lui laissait aucun argent ni possibilité de partir.
Ni une ni deux, je me décidai d’agir, un peu par ennui au début, puis par ras le bol. Ras le bol de mon quotidien vide de sens. C’était le signe que j’attendais, c’était ma mission, ma quête. Et plus j’y pensais, plus tout ça semblait être le signe du destin. Le matin même, j’avais vu un hibou s’envoler. La veille j’avais marché du pied gauche dans une crotte de chien. Et tous les chats gris des autres soirs étaient noirs. Mais par-dessus tout, nous étions le vendredi treize ! Je ne suis pas superstitieux, mais comment ignorer tous ces signes ? Ni une ni deux alors, je décidais de foncer et tel un bouffon de province déguisé en prince charmant, j’irais sauver ma belle des griffes de ce François. J’avais commencé à répondre lorsque finalement, face à la peur que nos échanges soient interceptés je décidais d’être un chevalier. Et d’aller la rejoindre… sur mon destrier !
Dès que ma décision fût prise, mes jambes se mirent à bagoter, qu’allais-je faire, pourquoi ?
Pourquoi ne pas renoncer ?
Oui, après tout, je m’en souvenais à peine de cette fille. Dans mon souvenir elle avait quatorze ans, et moi aussi. Je lui avais confié mes sentiments, elle avait souri et ne m’avait plus lâché, sans pour autant succomber à mes avances, elle m’avait laissé l’approcher, la regarder et elle avait testé ma fidélité et mon dévouement en sortant avec les garçons les plus idiots du comté. Je lui écrivais des poèmes, elle souriait toujours, je lui touchais la main, elle l’enlevait. Elle prenait tout ce qu’il y avait à prendre, sans donner. J’étais son meilleur ami, bonne poire, qui consolait, qui l’amusait mais qu’elle ne désirait jamais. Mais là, 15 ans plus tard elle m’avait appelé au secours. Et j’arrivais avec l’espoir désespéré du vide. Depuis quelques temps, un clin d’œil était une promesse, un sourire une nuit d’amour, un baiser trop appuyé un mariage, et j’allais ainsi de battement de cœur en désespoir. Ainsi, son message, précis, clair et plein de détresse m’avait touché en plein cœur. Mon cœur de pâte à modeler.
Nous nous étions quittés sur un poème :
Je m’en vais loin de toi,
Même à reculons
Je serai là pour toi
Tel un chevalier… abscons
Oui j’adorais le mot abscons à l’époque, ça mettait un peu de mystère à ma personnalité !
Bon, d’accord c’était bidon… mais bon, ça avait dû la marquer, puisque sans nouvelles depuis 15 ans, voilà qu’elle m’appelait à l’aide, moi, le chevalier… Abscons ; et ma monture ? Et mon épée ? Il fallait que je trouve tout ça, car en plus d’être seul et fatigué, j’étais fauché.
Stéphanie avait un cheval, appelé Kador. Elle me le prêterait. Pour l’épée, je me débrouillerais.
Quelques jours plus tard donc, j‘étais parti.
Je calais mon épée sur le sac attaché à la selle. Je remontais tant bien que mal sur mon cheval, à plat ventre, les jambes s’agitant dans le vide, sans aucune classe, mais avec succès. Il était beau mon cheval, je lui caressais la joue avant de claquer un son sec entre mes dents et ma joue gauche pour lui dire d’avancer. Kador, lui, restait concentré à mâchouiller un massif d’herbe haute. J’étais loin du but.
Emeline habitait à Maussane les Alpilles, ce qui fait qu’il me faudrait quinze jours pour faire l’aller-retour depuis Grenoble. J’avais quitté mon travail la veille, plein d’enthousiasme. Aujourd’hui, après quarante kilomètres de cheval, j’hésitais déjà à rentrer. Mais j’étais plutôt du genre persévérant, ce serait une honte si je n’allais pas jusqu’au bout.
Au bout de quatre jours, je n’en pouvais plus. Pourquoi m’étais-je mis dans cette galère et surtout, pourquoi étais-je incapable de renoncer ? Plus je m’approchais moins je pouvais renoncer, sinon j’aurais fait ça pour rien. Le vent de la vallée du Rhône m’avait d’abord amusé, puis lassé, puis devenait insupportable. Mes fesses me faisaient mal. J’avais souvent froid. Mais quelle idée. Kador était fatigué. Moi je n’étais plus un homme. J’étais une sorte de loque, irrité des fesses au bonnet.
Au bout de six jours pourtant , enfin rodé, je commençais à avoir la classe sur mon cheval, parfois, dans les champs, je me surprenais à avoir l’allure d’un chevalier, un vrai. Je me redressais sur mon cheval, et je ne pensais à rien, ni à Emeline, ni à François. Je pensais seulement à mon cheval et à mon allure majestueuse.
Je pensais aussi à cette horde de gueux qui me poursuivait. Mon aventure avait fait parler, et tout le monde avait un avis à donner. Mais qu’est-ce qu’il fait ? Mais pourquoi a t’il renoncé à une bonne situation et tout plaqué pour une fille qu’il ne connait pas ? Oh c’est beau cette aventure ! C’est grotesque ! Mais qui est cette fille chanceuse ? Il ne le dit jamais ? Emeline avait-elle entendu parler de mon arrivée ? Allais-je pouvoir aller au bout ?
A la fin de la huitième journée, j’arrivais à Saint Rémi de Provence à la tombée de la nuit. C’était donc ma dernière nuit avant de retrouver Emeline. Avait-elle changé ? Repartirait-elle avec moi ? A cheval ? Et si elle avait grossi ? Si le cheval ne supportait pas le poids ? Et si elle ne m’aimait pas ? Et si François me cognait vraiment ?
Bref, ma dernière nuit fût agitée. Le matin, la tenancière de l’auberge me conseilla de l’omelette et du pain complet. Sur ma table, une bouteille d’huile d’olives de Maussane me prouvait que j’approchais. Mon cheval avait dormi dans le garage de l’auberge. La tenancière et moi lui avions préparé une sorte de couchage avec des couvertures. Les chevaux de passages se faisaient rares, la tenancière m’avoua même n’en avoir jamais vu. Après le petit déjeuner, je remontais dans ma chambre pour me brosser les dents et voir si j’avais fière allure. Déjà, je sentais bon, j’étais rasé. J’enfilais alors mon manteau, et cherchais mon épée. Elle était là, sous ma couche. Allais-je m’en servir ? Était-elle tranchante ? Suffirait-il que je la brandisse en hurlant comme je m’étais entrainé ? Les gens ont peur des épées. Peut-être que ça suffirait. Le maniement des armes était loin d’être ma spécialité.
Avant de sortir de ma chambre, je décidais de prendre un dernier selfie, avec mon épée pour poster sur les réseaux sociaux. J’avais maintenant presque dix milles « followers » sur twitter et j’avais dû déconnecter les notifications il y a quelques jours déjà sous peine de ne pouvoir me concentrer sur mon objectif. Mon objectif était d’ailleurs de plus en plus flou : plaire à mes followers ? Plaire à Emeline ? vivre une aventure ou me balader à cheval ? Quitter ce monde régulier et tranquille pour me sentir vivant. Faire rire ? Un peu tout ça. Le bouffon, le chevalier et le roi ! Tout ça ! Clic ! Un selfie avec mon épée, mais pas de duke face ! Quand même je suis un chevalier ! Un brin tendre dans l’intimité, un peu drôle dans l’actualité et un serviteur macho pour Emeline ! Oui, les filles aiment les machos sexistes, parce qu’elles sont souvent moins féministes que moi. Moi beau et macho ! Le miroir me dérangeait à présent. Et Twitter aussi. Mode avion.
Je mettais du Mitosyl sur mes fesses, un remède qu’une jeune mère m’avait conseillé il y a quelques jours alors que mon derrière refusait de me suivre.
Attention le paragraphe suivant contient du placement de produit !
Mon caleçon Celio enfin remonté, je mettais pour l’occasion ma côte de maille King jouet, et mon épée du puy du fou à la ceinture. Dans les escaliers, les clients de l’auberge applaudissaient. La tenancière, Mandy, m’avait apporté mon cheval. Mandy me glissait à l’oreille : « Si elle ne veut pas de toi l’Emeline, tu m’emmènes ? » Je rougis intérieurement, mais le macho reprit le dessus et je fis un clin d’œil séduisant et mystérieux. Les filles sexistes adorent les garçons mystérieux. Je fis un selfie avec Mandy. Je demandais ensuite que personne ne me prenne en photo en train de monter sur mon cheval, c’était encore pour moi une étape toujours un peu ridicule. Et si je m’étais senti ridicule tout le voyage, aujourd’hui je voulais être beau et fort.
J’avais encore quatre heures au trot. Sur le chemin, je n’étais pas pressé, comme quand on va finir un bouquin palpitant. On veut connaitre la fin mais ne pas le finir. C’est comme la vie.
Je faisais du cheval « pleine conscience », j’écoutais le souffle de mon cheval, et le mien, et mon cœur battre, le vent dans les arbres et la douleur de mon épée qui frottait ma cuisse à chaque pas.
Emeline serait-elle au rendez-vous ?
Quelques heures plus tard, je voyais enfin le panneau Maussane. Mon smartphone m’indiquait de tourner à droite. D’après lui il restait quinze minutes à pied. Ce qui ferait cinq minutes à cheval, mais je n’avais pas la possibilité de mettre le GPS en mode Cheval…
Je faisais une pause près d’une fontaine. A présent, la horde de gueux qui m’accompagnait était vraiment importante. Tout le monde me posait des questions, les micros s’entrechoquaient. Il parait que c’est ici votre destination finale ? Où allez-vous comme ça monsieur ? Mais qui est cette fille ? Pourquoi une telle aventure alors que deux heures de voitures auraient suffi?
Je décidais de leur répondre.
- Je crois que j’ai fait une sorte de burn out. Et ma folie m’a transformé en Chevalier.
Ce sera ma seule déclaration merci
Les journalistes aussi aiment le mystère.
Dans ma tête je priais pour qu’Emeline soit restée jolie. Se serait-elle améliorée en laissant de côté son Bombers et son acné ou aurait-elle souffert des années ?
J’arrivais. Les journalistes, les caméras, les micros, les curieux et moi, arrivions devant la maison où j’avais passé tant d’après-midi télé en l’espoir d’un baiser.
La mère d’Emeline sortit sur le palier de la maison d’en face. Ah non, mince, c’était Emeline elle-même ! Bon, la princesse avait morflée. Mais mieux vaut être mal accompagné que seul et puis… j’avais fait un long trajet.
Elle vint vers moi. Elle avait un regard inquiet et amusé. Pas un regard amoureux. Elle avait suivi l’histoire, elle ne m’avait d’abord pas reconnu, l’âge m’avait plutôt bien façonné. Puis elle avait compris ce matin, en voyant la maison des voisins sur France 2.
Elle me dit : Fred !?
Ok elle avait retenu mon prénom !
Ca n’est pas ce que tu crois. Le sms que je t’ai envoyé. Pourquoi ne m’as-tu jamais répondu ?
- J’avais peur que ton homme te fasse du mal en voyant ton appel.
- Mais c’était un piratage, ça a envoyé ça à tout mon répertoire. Je ne savais même pas que j’avais ton numéro.
Tous les journalistes éclatèrent de rire. Les gueux ! Mon épée se liquéfia. Mon cheval s’ébroua. Un nuage passait devant le soleil et une bourrasque de vent glaçait mon pur-sang.
Elle me demanda sans aucune gêne si elle pouvait faire un selfie avec moi.
J’acceptais. Bonne poire !
« Tu m’as beaucoup fait rire, t’es vraiment dingue, comme à l’époque ! »
Son mari sorti de la maison, pour m’inviter à boire un verre, il mit sa main sur mon épaule signe d’une domination manipulatrice de base.
Je refusais poliment d’un geste brusque comme Raoul Castro à Obama, et profitais des marches de la villa pour remonter sur mon cheval avec classe.
Les filles sexistes aiment les mâles dominants, et moi je n’aime pas les filles sexistes !
Je lançais mon épée à terre, je dégainais mon téléphone :
- Mandy ?
#love #rateau #chevalier abscons
Les journées s’enchainent, maussades
On rêve d’explosions de joie
Sans conviction ni barricades
Pour combler notre désarroi
J’ai marché dans un long tunnel
Couru pour voir le bout, un jour
J’ai rampé craché en rebelle
Aucune sortie de secours
Les journées filent comme les étoiles
On rêve sans croire et sans émoi
Rien ne suffit à notre moelle
A nos orgueils de petits rois
J’ai dû nager dans ce tunnel
La tête à peine sortie de l’eau
Elle n’avait pas le gout du sel
Mais l’amertume des bientôt
A force de vivre sombre et triste
Sans voir la lumière du bout
Je veux vivre comme ces artistes
Créant leur lumière partout
Il ne sert à rien de souffrir
Car rien n’est jamais mieux au bout
Avec simplement le sourire
Ne plus voir de tunnel du tout
C’est la décrépitude
La lente agonie, le fardeau
Pourris de certitudes
Moroses, angoissés et bien sots
De ne pas vouloir s’en sortir
De ne pas voir le monde nouveau
De ne pas croire en l’avenir
D’être orgueilleux sans être beaux
Ne pas oser, oser enfin
Promettre un autre quotidien
Oser l’utopie enfantine
Pour qu’un meilleur se dessine
C’est la valse des faux semblants
Du populisme et du néant
Trop complexe pour qu’on se faufile
Il faut tirer un nouveau fil
Désabusés, nous restons cois
Angoissés, violents ou aveugles
Votant la colère ou la foi
Et repliés dans nos immeubles
Mais si je fais partie du monde
Alors ce monde est à moi
Osons pour voir, quelques secondes
Si d’un chemin s’ouvre une voie
Le voyage n'est pas qu'un deplacement d'un point à un autre,
C'est aussi toujours un cheminement intérieur,
La dilatation du temps et une empreinte sur notre coeur.