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Antxoka space
15 septembre 2010

En petite foulée vers nulle part

La chaleur suffocante des jours passés avait laissé place à de gros nuages menaçants, et un vent puissant et trop bruyant pour être vrai. Fred, assis sur son canapé, à l’abri, pensa un instant qu’ils avaient ajouté des effets spéciaux au vent. Pas possible, d’abord qui aurait ajouté ces effets spéciaux ? Fred ne croyait pas en dieu, et savait qu’aucune association de quartier n’aurait pu investir dans un tel Sound système, alors qu’une année de crise financière mondiale avait suffit à fermer pour un bon moment le robinet des subventions pour ce genre d’événements culturels… Le bruit du vent était donc bien réel et Fred pris conscience de l’absurdité de sa réflexion. Apparemment, il commençait à être vraiment désemparé dans son appartement serré, et encombré d’objet de consommation de toute sorte. Fred pris la télécommande de la télé et réussi enfin à faire ce geste salvateur, éteindre. Le bruit de la télé qui s’éteint le replongeât dans son imaginaire fantastique nourrit d’image de la guerre des étoiles. Il se senti plein de force et tellement désœuvré qu’il chaussa ses baskets pour aller courir. Ah si Catherine l’avait vu avec son petit short et ses baskets blanches…
La porte de l’appartement claqua, Fred chercha ses clefs, pour savoir s’il ne s’était pas auto-enfermé dehors. De nombreux Clochard ont commencés ainsi parait il, en oubliant les clefs à l’intérieur. Il descendit l’escalier en marchant. En sortant de l’immeuble, se retrouvant dans la rue, Fred se trouvait face à l’absurdité de commencer à courir. Vu qu’il courait sans but, à partir de quand devait il commencer à courir, que diraient les passant aux alentour en voyant un marcheur se mettre à courir, penserait-il que c’est un voleur qui tente d’échapper au propriétaire du magasin, serait-ce un homme pressé de partir ? Surement l’amant d’une femme du quartier dont le mari serait sur le point d’arriver d’une minute à l’autre et qui se poserait des questions en voyant son collègue de boulot prés de chez lui alors qu’il était sensé avoir pris son après midi pour aller voir sa grand-mère souffrante au sud de la ville. Fred se mit à courir, en pensant encore à comment les gens autour devaient le percevoir passant de l’état de marcheur à coureur. En réalité, les gens s’en fichait pas mal, lui aussi, mais il adorait penser avec sincérité à des choses absurdes, c’est tout lui. Catherine ne le suivait que très rarement dans ses délires, tant et si bien, qu’il ne les partageait plus beaucoup. Monsieur S et Oufman étaient loin et devaient avoir leurs propres délires solitaires. Vivement qu’ils se retrouvent tous les trois pour partager la même histoire sans queue ni tête. Fred se sentait vieillir, ça faisait bien longtemps qu’il n’avait pas divagué ainsi. Ça lui faisait plaisir d’en être encore capable. Il avait l’impression de rentrer de plus en plus dans le moule et à force de vouloir y rentrer il devenait lui aussi, moulé ou modelé, enfin comme les autres quoi. Il avait beau se dire : « je rentre dans le moule mais ce n’est qu’un jeu, qu’une façade », pour y rentrer il avait dû briser un peu de folie, enterrer un peu de rêve, devenir un peu plus neutre, insipide et plat. Et il voyait depuis quelques mois, que son cerveau ne divaguait plus comme avant, son cerveau était moulé, modelé. Cette petite course à pied lui faisait du bien, chaque pas oxygénait son imagination, à chaque pas il redevenait un peu lui-même et un peu moins le Fred sérieux, celui qu’on connaissait au boulot. A chaque pas il sentait l’utopiste monter en lui, l’ado, le rêveur qu’il était encore au fond. C’est peut être pour cela que beaucoup de cadres dynamiques courent se dit Fred. Jusqu’alors, il avait cru que la plupart des joggers faisaient ça pour se la raconter, ou pour garder la ligne, où enfin parce que c’était un sport efficace et pratique. Courir sans but, et sans rien voir, se concentrer seulement sur son souffle, sa foulée et sur des idées absurdes.
En fait, tous les gens qui courent sont des gens qui sont trop vite rentrés dans le moule et qui veulent se vider la tête, pour rester jeune et libre d’esprit. Oui mais alors, le fait même de courir ne serait-ce pas une étape de plus dans cette standardisation ? Fred s’arrêta de courir. Puis il continua quelques mètres, jusqu’à ce banc. Et finalement pourquoi ne pas s’assoir et regarder les autres en petite foulée vers nulle part.

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Commentaires
L
Joli texte qui me parle. Je me demande souvent pourquoi les gens courent. Ils sont de plus en plus nombreux effectivement à courir alors que je marche en prenant le temps d'observer. Souvent les coureurs ne voient rien autour, ils survolent, ils s'extraient du monde en y ajoutant parfois quelques écouteurs qui les rendent sourds aux chants des oiseaux, aux gravillons qu'ils bousculent du bout de leurs semelles. En observant plus attentivement on peut noter le soin qu'ils portent à leurs tenues de course et là par ce constat j'arrivais un peu à la même conclusion que Fred et je me suis choisi un banc presque en signe de protestation.<br /> joli texte, merci.
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N
tu cours aussi toi quand tu rentre du boulot ?
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