Chacun rate sa vie comme il peut 2

II

Fred qui n'aime pas forcement ce genre de repas de famille où l'on mange tout le dimanche après midi, était pour une fois plutôt content, il avait bien rigolé avec les petits jeunes et avait pris beaucoup de plaisir à les filmer avec la camera numérique de sa sœur, reçue justement pour son anniversaire, cause du repas du jour. Le gâteau et le champagne étaient bien entamés, quand la cousine de Fred eut la bonne idée de demander aux enfants ce qu'ils avaient fait avec Fred avant le gâteau. La sœur de Fred s'empressa de dire qu'elle avait tout filmé. Le début du chaos total commença à se moment là. Fred, doté depuis ce jour d'un an supplémentaire, ainsi que toute la famille, suivit la sœur jusqu'au salon. Les bruits de chaises assourdissants se firent entendre, chacun chercha sa place, chacun bouscula sa mère ou son voisin, pour s'introduire à une place de choix devant le téléviseur. John eut la mission de brancher la caméra. Dans une famille, quelle que soit la famille, il y a toujours les mêmes personnages associés aux mêmes rôles. John est celui qui s'y connaît techniquement, conseiller Hifi, bricolage, électronique en tout genre. Isa, elle, est celle qui fait bien les desserts. il y a aussi Baptiste, le rigolo. Il y a  comme ça, dans une famille, le non conventionnel, celui qui râle, le gourmand, le paresseux, le célibataire. Alors parfois, une même personne combine plusieurs rôles. Il se peut également que le gourmand d'un groupe ait un autre rôle dans un autre groupe, celui du gourmand étant déjà pris par une personne encore plus gourmande dans une autre assemblée. Le plus difficile à supporter étant de se faire détrôner sa place lors de l'arrivée d'une personne extérieure au groupe. L'arrivée d'un petit frère fait perdre le rôle de petit dernier à l'aîné. Alors il faut qu'il se trouve un autre rôle dans cette communauté, celui du grand frère! Le technicien, expert en technique dans le groupe du jour était John, malgré l'arrivée de son beau frère, calé en informatique, il avait réussi à conserver sa place d'expert dans tous les autres domaines de la technique, non sans s'entraîner et se documenter, mais c'est les sacrifices qu'il faut faire pour ne pas prendre la place du looser, de celui qui n'arrivera jamais à rien, heureusement, ce rôle là n'est pas toujours présent au sein d'une famille où l'amour et l'amitié sont les fondements. Ça y est, la caméra numérique était branchée et en marche. Le film du début d'après midi était lancé.

Tout le monde s'extasiait, même Fred, qui souriait de voir ces bêtises du début d'après midi. Puis d'un coup, il sentit comme un malaise, ses souvenirs étaient trop frais. Ce film ne lui faisait pas du tout plaisir en réalité. Il venait à peine de finir de profiter d'un instant de vie, qu'il était déjà dans la nostalgie d'un film. Il avait l'impression non pas de regarder un film de bons souvenirs, mais de le regarder avant d'avoir des souvenirs. Comme une nostalgie du présent…

Au lieu de se regarder vivre, pourquoi ne pas vivre? se dit-il.
Alors ce quart d'heure perdu le mit hors de lui, il dit un début de phrase, interrompu par un chut général. Il regarda les enfants, qui, comme lui mais à leur manière, s'étaient totalement désintéressés de la chose : Fanny faisait un câlin à son papa, Victor jouait au camion, dans les pieds de la table basse, les 2 ados étaient déjà partis faire les cons à l'arrêt de bus certainement. Il souleva Elise, assise sur ses genoux en train de coiffer les rayures de son pantalon en velours, puis il sortit de la pièce il alla dehors. Et le ventre lourd, et la tête embrumée, il était en colère.